Interview de Morgan Bourc'his
Morgan Bourc'his est un apnéiste français, vivant à Marseille. Il a plusieurs fois été titré au niveau international : ainsi, il a remporté en septembre 2013 les championnats du monde d'apnée en poids constant et sans palmes, avec une plongée à 87 mètres de profondeur :
http://lci.tf1.fr/sport/video-apnee-en-profondeur-le-francais-bourc-his-sacre-champion-8266872.html
Pour plus d'informations sur lui, vous pouvez consulter son site internet à l'adresse suivante :
http://www.morganbourchis.com/
Nous avons pu l'interviewer par Skype en novembre ; ses réponses à nos nombreuses questions nous ont permis de compléter et d'affiner notre travail.
Nous aimerions ainsi le remercier pour le temps qu'il nous a consacré, la précision de ses réponses ainsi que pour sa gentillesse. Vous retrouverez tous les détails de l'interview ainsi que son enregistrement ci-dessous.
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http://www.morganbourchis.com/
Nous avons pu l'interviewer par Skype en novembre ; ses réponses à nos nombreuses questions nous ont permis de compléter et d'affiner notre travail.
Nous aimerions ainsi le remercier pour le temps qu'il nous a consacré, la précision de ses réponses ainsi que pour sa gentillesse. Vous retrouverez tous les détails de l'interview ainsi que son enregistrement ci-dessous.
1) Comment vous-est venue votre passion pour l’apnée ?
Morgan Bourc’his : Avant d’habiter à Marseille, donc près de la mer, j’habitais dans le centre de la France, à Tours, sans vraiment avoir de possibilité de plonger. Mais, étant jeune, j’ai fait beaucoup de natation, et j’ai eu la chance de voyager avec mes parents, notamment en Méditerranée, donc même si je n’habitais pas près de la mer, j’ai toujours été un peu marqué par ces vacances au bord de l’eau. Ayant arrêté la natation adolescent, j’ai eu envie durant mes années à l’université de retrouver un sport aquatique. Je me suis ainsi rapproché d’un club de plongée de Poitiers, ville où j’étudiais à la faculté des sciences du sport en vue d’être enseignant en EPS. J’ai donc approché ce club, et j’ai ainsi pratiqué la plongée en entrainement. Ça m’a plu, sachant que durant l’été précédent, j’avais déjà pratiqué la plongée scaphandre. Il y avait également dans ce club une section apnée, et même si elle n’était pas très développée, c’est là que j’ai vraiment commencé à approcher cette discipline. Comme j’étais en parallèle dans un cursus universitaire scientifique, il m’est venu l’idée de faire un mémoire, un sujet d’étude sur ce sport, plus particulièrement sur la physiologie cardiovasculaire de la plongée en apnée.
Pouvoir pratiquer ce sport, et, dans un même temps, le comprendre d’un point de vue théorique, était vraiment une expérience passionnante. Après avoir fait une maîtrise et un DEA, j’ai continué la plongée en apnée d’un point de vue plus sportif. Pour résumer, mon approche de ce sport a donc été particulière, puisque ce fut au départ un loisir, et par la suite, la pratique de l’apnée s’est plus inscrite dans une démarche scientifique.
2) Qu’aimez-vous dans l’apnée ?
M-B : Pour moi, l’apnée c’est avant tout la pratique en mer. Il y a déjà plusieurs milliers d’années, bien avant que l’apnée soit un sport, les Hommes allaient chercher dans les profondeurs de la mer des matériaux essentiels à leur quotidien comme des éponges ou des coquillages. C’est pour retrouver cette essence de la discipline que je me suis installé à Marseille. On peut bien sûr pratiquer cette activité en piscine, mais la notion de profondeur y est absente, et les sensations différentes.
3) Vivez-vous de votre passion pour l’apnée ?
MB : Je ne vis pas exactement de ma passion pour l’apnée. En France, il existe seulement deux personnes qui vivent réellement de ce sport, grâce à des sponsors. En effet, l’apnée reste un sport très confidentiel dans le monde malgré sa popularisation en France à travers le film " Le grand bleu" qui a fait connaître l’apnée au grand public. Pour ma part, mes sponsors me permettent uniquement de me rendre aux compétitions internationales sans débourser d’argent. En parallèle de l’apnée, je suis ainsi enseignant spécialisé dans le domaine du sport auprès d’enfants et d’adolescents ayant des troubles du comportement. Mais ce n’est pas toujours évident de concilier vie privée et entraînements sportifs chronophages.
4) Quels types d’apnée pratiquez-vous ? En quoi consistent-t-elle ?
M-B : Tout d’abord, il y a le no limit, illustré dans le film de Luc Besson, qui consiste à descendre le plus profondément possible et à remonter, le tout à l’aide d’équipements particuliers. Cette pratique consiste avant tout à battre des records, c’est pour cela qu’il n’existe pas de compétition officielle, la logistique de sécurité étant trop difficile à assurer, étant donné l’importance des profondeurs et la fréquence des accidents. Dans tous les autres championnats d’apnée, quelque soit la discipline, il n’y a jamais eu de décès en plus de 20 ans de pratique.
Les décès d’apnéistes que l’on entend parfois lors des périodes estivales correspondent en réalité à des chasseurs sous marins, souvent seuls, et donc beaucoup plus exposés à des accidents. Ce ne sont pas des apnéistes à proprement parlé comme moi. Une des règles fondamentales que tout apnéiste se doit de respecter est l’interdiction de plonger seul. Nous pratiquons toujours en groupe, de façon à pouvoir intervenir rapidement en cas de problèmes et d’annuler tout risque.
Quant aux autres activités, je pratique donc l’apnée statique, où il faut établir le meilleur temps la tête dans l’eau ; je pratique également l’apnée dynamique en piscine avec ou sans palmes, ainsi que le poids constant avec ou sans équipements en mer ; c’est d’ailleurs en poids constant où j’ai eu le titre de champion du monde. Pour finir, il existe aussi l’immersion libre, moins connue du grand public, qui consiste à se tracter le long d’un câble pour descendre et remonter, ce qui est normalement interdit dans les autres disciplines puisqu’il ne sert qu’à matérialiser la verticalité. Je ne pratique ceci qu’à l’entraînement, l’activité me plaisant moins.
5) Quels matériels utilisez-vous ?
M-B : Tout d’abord il y a la gueuse, qui constitue un leste que l’on abandonne au fond de l’eau, elle est également très utile d’un point de vue éducatif car elle facilite grandement la descente qui peut se faire sans effort, hormis l’action de compenser la pression au niveau des oreilles. Cela permet aux débutants de sentir très à l'aise dans la pratique de l’apnée, de progresser à leur rythme, et de mieux découvrir la discipline. Personnellement, je ne l’utilise pas. J’ai coutume de me servir des mono ou des bi palmes pour descendre, en fonction de mes besoins. Cela dit, lorsque je pratique le poids constant qui se fait sans matériels, il ne me reste plus que mes bras et mes jambes pour avancer.
6) Comment vous entraînez-vous ?
M-B : En ce qui concerne l’entraînement, je ne fais pas uniquement que de l’apnée, même si je pratique aussi bien en piscine qu’en mer. Toute la préparation hors de l’eau constitue essentiellement une préparation physique indispensable, car une défaillance musculaire à plusieurs mètres de profondeur peut poser soucis.
Je me prépare notamment grâce à la pratique du trail, qui s’assimile à de la course à pied en milieu naturel ; grâce à la natation évidemment, ce qui me permet de peaufiner mes techniques de nages et donc d’être, une fois en mer, beaucoup plus économe. La mono palme en piscine est également très pratique pour travailler l’ondulation, et constitue la meilleure simulation possible par rapport à la pratique en mer. Le vélo m’aide à travailler mon rythme cardiaque, tout comme la musculation qui me permet d’avoir une puissance musculaire indispensable. La performance en apnée passe donc par la pratique d’autres disciplines sportives.
7) Comment la pression se manifeste-t-elle en apnée ?
M-B : L’incompressibilité du corps humain, dû au fait que nous sommes constitués essentiellement de liquide (d’eau), n’entraîne qu’une sensation de compression indolore. C’est donc uniquement les cavités de l’organisme contenant un volume d’air qui sont soumises aux changements de pression. Les poumons et la cage thoracique sont élastiques donc déformables par la pression. La taille des poumons au-delà d’une certaine profondeur est réduite à la taille d’un poing, c’est dire la grandeur des pressions subies, mais encore une fois, ceci n’occasionne pas de douleur.
L’état dans lequel l’apnéiste se trouve lors de sa plongée influence grandement la manifestation de la pression sur son organisme. Plus l’on est détendu, plus il est facile d’accepter la pression environnante et de descendre profondément ; au contraire une personne tendue, angoissée sera davantage handicapée par la pression et voudra remonter à la surface rapidement.
Les oreilles sont aussi sujettes aux variations de pression. Etant donné que la pression à l’intérieur des oreilles est différente avec la pression extérieure, l’eau « appuie » sur le tympan entraînant une déformation de celui-ci et donc une douleur, même si la profondeur reste relativement faible. C’est en compensant la pression dans ses oreilles, autrement dit en envoyant de l’air dans celles-ci, que l’on rend au tympan leur forme d’origine, stoppant ainsi la douleur créée. Un autre phénomène peut également survenir : c’est le plaquage de masque dû à l’air contenu dans celui-ci. Il suffit de souffler par le nez afin d’équilibrer et surtout d’éviter les désagréments qu’il entraîne.
8) Quelle est la méthode que vous utilisez pour équilibrer vos oreilles ?
M-B : La méthode la plus intéressante mais la moins facile est la BTV, c'est-à-dire la Béance Tubaire Volontaire. Elle consiste à faire fonctionner les petits muscles qui entourent la trompe d’Eustache de façon à y faire passer l’air pour équilibrer. Cependant, tout le monde n’a pas la constitution anatomique qui permet de la pratiquer ; en effet, selon la forme des trompes d’Eustache, la manœuvre est plus ou moins facile. Moi-même, je n’y parviens pas, c’est pourquoi je pratique ce que l’on appelle la méthode de Vasalva et la méthode de Frenzel. Cette dernière est facile à réaliser : on prend un petit volume d’air dans la bouche et avec la langue, que l’on envoie progressivement à l’intérieur des trompes d’Eustache afin d’équilibrer.
On peut encore améliorer cette méthode en faisant ce qu’on appelle un mouth field* : on remplit la bouche d’un gros volume d’air en gonflant ses joues, et cela permet de descendre encore plus profond parce que l’on créé une réserve d’air. J’utilise donc le Valsava dans les premiers mètres de la descente, puis la méthode de Frenzel, avec le mouth field par la suite.
9) Avez-vous déjà subi un bloodshift ? Si oui, quels en sont les effets sur l'organisme ?
M-B : Dès lors où vous plongez profondément, le bloodshift apparait, le plus souvent à partir de quarante mètres mais cela varie d’une personne à l’autre, de la quantité d’air que vous avez prise… La taille de vos poumons va donc être réduite à son volume résiduel, qui est en fait une adaptation physiologique du corps au niveau du système sanguin. Le vide intra-thoracique engendré par la diminution de la taille des poumons va créer une dépression, que l’afflux de sang et la remontée des organes abdominaux vont combler. Tout ceci s’effectue sans douleur, cependant, une attention particulière doit être portée au mouvement effectué dans l’eau, car les poumons étant entourés de sang, des gestes trop brusques ou incontrôlés peuvent entraîner un passage de sang au niveau alvéolaire. Le sang sera évacué lors du retour à la surface par le crachement de celui-ci.
Une manque d’entraînement, d’expérience ou tout simplement une profondeur trop importante peut-être à l’origine de ce crachat. Indolore, il n’est pas nécessaire de se rendre à l’hôpital, mais ce phénomène peut nécessiter plusieurs jours de repos, pour une petite quantité de sang. Il se révèle être beaucoup plus dangereux si une grande quantité venait à passer dans les poumons, car ceux-ci ne sont pas faits pour accueillir des liquides. C’est une preuve que ce bloodshift existe bien.
10) Existe-t-il des problèmes de décompression lors de la remontée ?
M-B : Etant donné que l’on ne respire qu’une fois, on n’a pas besoin de faire un palier de décompression pour évacuer l’azote, contenu dans le sang, comme les plongeurs en bouteille. Quand on remonte, sur les cinq ou dix derniers mètres, on souffle doucement son air pour éviter que la surpression provoque des petites déchirures au niveau des alvéoles ; on prépare ainsi son corps, ses poumons à revenir à leur état initial.
11) Avez-vous déjà subi des barotraumatismes ?
M-B : Oui, cela m’est arrivé lors d’un entraînement pour le championnat du monde en individuel en Grèce en 2011. Il se trouve que j’avais une petite sécrétion au niveau de la trompe d’Eustache qui a empêché l’air de ressortir au moment de la compensation ; la surpression a poussé le tympan vers l’extérieur, sans le percer, mais quelques petits vaisseaux sanguins ont été abîmés et donc, j’avais un peu de sang dans la trompe d’Eustache qui n’arrivait pas à sortir. Aussi, pendant une semaine, je n’ai pas pu plonger ce qui m’a fait douter car je me demandais si je serais prêt le jour J…
La veille du championnat, en effectuant quelques manœuvres, j’ai réussi à évacuer ce sang et j’ai pu plonger. Ma compensation n’était pas parfaite, mais j’ai quand même pu descendre ; même si j’entendais des petits bruits, je n’avais pas mal. J’ai réussi à valider ma plongée et à emporter la troisième place ; j’étais très content.
Au niveau du plaquage de masque ou au niveau digestif, je n’ai pas fait de barotraumatismes, c’est seulement au niveau des oreilles et cela ne s’est pas reproduit depuis.
12) Selon vous, la première limite d’une apnée en profondeur, c’est la pression et la compensation ou la respiration et le manque d’oxygène ?
M-B : C’est une question intéressante. Cela dépend beaucoup du niveau de la personne. Si c’est un débutant, ce sera sa capacité à maintenir une apnée car le manque d’habitude est un handicap. De plus, le mouvement de descente n’étant pas maîtrisé, la personne va consommer beaucoup d’énergie pour descendre et il lui sera plus difficile de compenser. Les deux paramètres jouent dans ce cas.
Sur un apnéiste très entraîné, le principal facteur va être la compensation. En effet, habitué à faire des apnées, il va descendre pendant un certain temps avant de ressentir une limite et il va beaucoup travailler sur sa compensation pendant un premier temps. Mais, quand on commence à descendre au delà des 110 ou 120 mètres à la palme, cela demande beaucoup d’énergie et l’on peut manquer des compensations et même faire des syncopes à cause des apnées trop longues à tenir.
13) L’apnéisme en profondeur est-il un sport extrême et dangereux ?
M-B : C’est en effet un sport qui peut présenter des risques car l’on se retrouve sous l’eau, loin de la surface. Pour la regagner, il faut bien sûr faire tout le chemin de retour, au contraire d’une apnée statique en piscine où il suffit de lever la tête pour respirer à nouveau.
En mer, à partir du moment où l’on pratique ce sport de manière progressive, c’est-à-dire en s’écoutant, en ne se forçant pas, et surtout en respectant des règles de sécurité comme plonger en groupe ou accompagner l’apnéiste dans les derniers mètres de la remontée (car c’est là que des pertes de connaissances peuvent survenir) l’apnée peut ainsi constituer une activité destinée à tous et pour tous.
Il faut cependant faire bien attention à ne pas prendre de risques inconsidérés, et à bien baliser la discipline : un exemple qui arrive malheureusement trop souvent est celui de chasseurs sous-marins, plongeant en apnée seuls, et qui par des concours de circonstances dramatiques font une apnée trop longue, perdent connaissances, se noient et meurent. Si un plongeur plonge au contraire avec un camarade qui le surveille, le risque de noyade est alors fortement diminué, car si le plongeur fait une syncope, son camarade peut le remonter à la surface où dans la plupart des cas il reprendra ses esprits très vite : il est sauf.
Pour résumer, l’apnée n’est pas un sport dangereux si l’on respecte des règles de base. La pratique de l’apnée collective, avec des personnes de votre niveau, qui savent vous prendre en charge en cas de problèmes. Il faut également veiller à ne pas être à la recherche constante et surtout risquée de records.
14) Existe-t-il des contre-indications physiques à la pratique de l’apnée, comme de l’asthme* ou des problèmes cardiaques ?
M-B : L’asthme et l’apnée ne sont pas incompatibles. Elle peut être un moyen éducatif pour apprendre à se connaître et à se maîtriser et ne déclenche pas la crise. La personne asthmatique apprend à contrôler sa ventilation*, à travailler sur l’ensemble de son volume pulmonaire et à ne pas seulement utiliser le haut des poumons. D’ailleurs, il y a en France un moniteur d’apnée qui est asthmatique et qui a développé cette activité auprès d’enfants atteints de cette maladie.
A contrario, la pratique de l’apnée est contre-indiquée aux personnes ayant des problèmes cardiaques. En effet, le cœur est très sollicité lors de l’apnée. Il est sujet à la compression de l’eau. Il y a aussi une variation de volume lié à l’afflux de sang vers cette région lors de la descente. De plus, lors de l’apnée, il y a une forte bradycardie* (rythme très lent) qui est suivie par une tachycardie* (accélération du rythme) compensatoire lorsque l’apnée est terminée.
Il existe aussi d’autres problèmes de santé incompatibles avec l’apnée, les affections ORL et des sinus en particulier. En effet, il y a des variations de pression et une importante circulation d’air au niveau des sinus lors de l’apnée. Ils peuvent se boucher et ainsi provoquer des barotraumatismes.
15) Pratiquez-vous des exercices de respiration afin de pouvoir retenir votre respiration plus longtemps lors de l’apnée ?
M-B : J’ai pratiqué le yoga respiratoire (le prânâyâma) pour développer prise de conscience et maîtrise de ma ventilation et utiliser au mieux ma capacité pulmonaire. Je ne le pratique plus, par manque de temps, mais je continue à utiliser les notions que j’ai acquises.
Je fais également des exercices de blocage de respiration. Je m’entraîne aussi à l’exercice de la carpe qui permet de prendre encore plus d’air lorsqu’on a inspiré le plus profondément possible. Cette méthode est beaucoup utilisée par les apnéistes au moment de plonger. Cependant, elle n’est pas anodine car elle crée une surpression pulmonaire, on doit ainsi travailler l’élasticité thoracique. On pratique aussi des exercices sur le muscle du diaphragme, son relâchement étant très important pour la compensation.
16) La pression en profondeur a-t-elle des conséquences sur votre rythme cardiaque ?
M-B : En mer, le cœur fait une bradycardie à la descente. Le volume pulmonaire diminue à cause de la pression, la compression et l’afflux de sang vers le cœur entraînent son ralentissement. Lors d’apnée en très grande profondeur, on a mesuré des rythmes entre 10 et 20 battements par minute. En piscine, lors d’apnées statiques, cet effet est moindre : les poumons sont remplis d’air, on reste à la surface, donc on est en surpression car il n’y a pas la pression de l’eau qui annule la surpression pulmonaire. Cette surpression comprime les vaisseaux sanguins et a tendance à ralentir le débit du sang, aussi le cœur réagit en accélérant pour maintenir le débit constant. Mais cette tachycardie s’estompe peu à peu car on consomme un peu d’oxygène donc le volume diminue et surtout l’arrêt de la respiration est un signal physiologique qui ralentit naturellement les battements du cœur.
17) En apnée en profondeur, éprouve-t-on une sensation de bien-être, au point de ne plus vouloir remonter ?
M-B : Le phénomène d’ivresse des profondeurs vient de la plongée en bouteille et des effets secondaires de l’azote qui entraînent une euphorie et des mouvements désordonnés voir un comportement anormal dès 40 mètres de profondeur. On peut retrouver ce phénomène décrit dans certains des récits d’expériences du Commandant Cousteau.
En apnée, il n’y a pas forcément ces troubles du comportement, ni cette euphorie. Cependant, aux environs de 80 mètres de profondeur, le plongeur peut subir des altérations sensorielles*. L’ouïe est altérée, on a le sentiment d’un environnement « cotonneux ». De même, cet effet de narcose* peut altérer la vision : lors d’une plongée, alors que je descendais le long de la corde, je la voyais bouger alors que je savais qu’elle restait fixe ! Mais en apnée, les plongeurs gardent une conscience de leurs troubles : cette corde qui bougeait m’a fait sourire, j’ai compris mon état et je me suis re-concentré sur ma plongée.
Il y a aussi des effets très désagréables qui peuvent apparaître pendant une plongée en apnée. Ce sont des sortes de flashs assez terrifiants. Un plongeur néo-zélandais parlait de narcoses violentes avec la vision de flammes autour de lui et de fait, une sensation très désagréable et un très grand mal-être pendant la plongée. Tous les plongeurs ne subissent pas d’effets aussi violents. En l’occurrence, ce néo-zélandais avait une capacité pulmonaire hors normes de 16 litres (5 à 6 litres pour la normale). Il subissait d’autant plus les effets de la surpression pulmonaire. Contrairement à la plongée en bouteille, où la narcose disparaît dès que le plongeur commence à remonter, nous devons supporter la narcose jusqu’à la surface et rester concentrés sur les automatismes nécessaires pour remonter.
Quant à la sensation de bien-être en profondeur, elle n’a rien à voir avec la narcose. On se sent bien, on n’éprouve aucune douleur mais on sait qu’on doit remonter. C’est un phénomène physique qui fait que le plongeur n’a plus envie de respirer. En effet la compression d’un gaz entraîne l’augmentation de sa pression partielle. Ainsi, lorsqu’on plonge, le volume des poumons diminuant, l’oxygène y étant contenu est comprimé et donc sa pression partielle augmente. Les alvéoles pulmonaires sont donc compressées, l’organisme n’éprouve ainsi pas le besoin de respirer.
18) Pouvez-vous nous donner quelques avantages et inconvénients de l’apnée par rapport à la plongée en bouteille ?
M-B : J’ai pratiqué au départ la plongée en bouteille. Mais aujourd’hui, mes capacités me permettent de plonger, outre les compétitions et l’entrainement, pour explorer des épaves, des grottes…
L’un des inconvénients de la plongée avec bouteille est qu’on ne peut pas dépasser les 65 mètres profondeur, au-delà c’est très risqué. Les échanges gazeux créent des complications au niveau de l’organisme. Il faut respecter des paliers de décompression. C’est moins risqué en apnée.
Par contre, le temps sous l’eau est limité en apnée et on profite moins des scènes de vie sous-marine. On ne voit pas les mêmes choses mais on est plus « agile » que les plongeurs avec bouteille lourdement harnachés.